dimanche 5 janvier 2020

Le génie tourmenté Paul Gauguin alchimiste visionnaire et cire d'abeille

J'ai la chance d'avoir un atelier à PONT AVEN à 200 mètres de la chapelle de Trémalo, source d’inspiration pour de nombreux artistes internationaux. Elle est connue dans le monde entier car elle abrite le christ en bois polychrome qui inspira Paul Gauguin pour son « Christ Jaune ».

Fervent admirateur fasciné par Paul Gaugin au delà de son oeuvre il me fallait chercher un lien entre lui et les abeilles.
Pour l'instant je n'ai pas trouvé ce que j'espérais mais quand même un lien entre cet alchimiste de la pensée et les abeilles.

il a beaucoup utilisé la cire d'abeille pour la réalisation de quelques sculpture et surtout pour patiner ses œuvres en bois.
Des cannes, des bas ou très bas relief, des sculptures et aussi pour la couverte de quelques céramiques.

Il n'en fallait donc pas plus pour justifier cet article au cœur de mon blog sur les abeilles !









     Bâton de marche vers 1888-1890 buis, nacre, verre et fer 93,3 x 3,8 x 3,8 cm




    1881. Cire d'abeille rouge teintée peinte à l’aide d’un pigment léger

     Coffret, 1884. Poirier teinté en rouge cire d'abeille

    La Chanteuse (portrait de Valérie Roumi), 1880. Acajou plâtre cire d'abeille

     Cadre aux deux « G » 1885. Bois de noyer, cire d'abeille


Le génie tourmenté Paul Gauguin fut un alchimiste visionnaire qui revendiquait le "droit de tout oser". Son nom évoque les couleurs éclatantes de la Polynésie, des femmes alanguies aux seins nus et au regard indéchiffrable, un paradis de volupté, de fruits exotiques et de végétation luxuriante. Si ce Gauguin-là, le plus célèbre, est bien présent sur les cimaises du Grand Palais pour le grand événement muséal de la rentrée, il l'est en compagnie de perles méconnues relevant de la sculpture, des arts graphiques et décoratifs. On connaissait le peintre, on découvre l'artiste-artisan...  

Gauguin, expérimentateur acharnéA Paris ou en Bretagne, à la Martinique ou à Arles, à Tahiti ou aux Marquises, il aborde chaque médium en toute liberté, pris d'une "terrible démangeaison d'inconnu qui [lui] fait faire des folies", ainsi qu'il le confie à son comparse de l'école de Pont-Aven, Emile Bernard.
Dans le sillage des impressionnistes, d'abord, puis sur les terres du symbolisme naissant, le courtier (il le restera jusqu'au krach de 1882) investit très vite les techniques les plus variées en s'initiant au modelage, sous la houlette de son voisin parisien de la rue des Fourneaux, Jules Bouillot. Lassé du marbre, qu'il juge trop académique, Gauguin exécute des portraits de ses enfants en cire et des figures en bois frustes qui renvoient à un art populaire.  Du "bibelotage", persiflera Pissarro, le mentor des débuts, face aux objets insolites créés par Gauguin, tel le Coffret, réalisé en 1884, dont une face est ornée de danseuses inspirées de Degas et l'autre incrustée de netsuke japonais.  Deux ans plus tard, on retrouve la figure de la ballerine degasienne sur le Vase au buste de femme en grès. Car, entre-temps, le boulimique touche-à-tout aborde les arts de la terre et du feu dans l'atelier d'Ernest Chaplet, rue Blomet. "La céramique n'est pas une futilité. [...] Dieu fit l'homme avec un peu de boue et aussi un peu de génie", affirme-t-il à qui veut l'entendre. 

À Tahiti, loin de l'étouffante civilisation occidentale
Tout le processus créatif de Gauguin est là: l'assemblage d'éléments composites, l'emprunt à d'autres cultures, la répétition de thématiques récurrentes. "Vous verrez que cela tient ensemble", lance-t-il aux sceptiques. Ses carnets de croquis regorgent de projets de céramiques dont les motifs rejoignent ceux de ses toiles, à l'instar de la Bretonne, déclinée à l'envi sur des dessins, un vase, un éventail, un sabot, des gravures, des peintures, où il met en avant ses sentiments intimes

La Ronde des petites Bretonnes (1888), Gauguin cherche l'équilibre entre la perception du réel et ses propres émotions.
La Ronde des petites Bretonnes (1888)




Peint à la veille du premier départ pour Tahiti, le Portrait de l'artiste au Christ jaune illustre de façon saisissante les préoccupations d'un pèlerin entré en art comme on entre en religion: "Un mélange inquiétant et savoureux de splendeur barbare, de liturgie catholique, de rêverie hindoue, d'imagerie gothique, de symbolisme obscur et subtil", s'enthousiasme alors le critique Octave Mirbeau, presque seul face à la cohorte des réticents. Gauguin, qui a abandonné femme et enfants à Copenhague, se sent douloureusement incompris. Et il n'a plus qu'une obsession: se défaire de l'étouffante civilisation occidentale. 
Lorsqu'il jette l'ancre à Papeete, en juin 1891, le peintre tombe sous le charme du mystère et de la grâce indolente qui imprègnent les habitants de l'archipel. Leur aptitude naturelle au silence lui inspire plusieurs toiles énigmatiques, comme la sublime Ahaoe Feii? (Eh quoi! Tu es jalouse?), où la femme accroupie est inspirée d'un atlante de la frise du théâtre de Dionysos d'Athènes, dont l'artiste possède une photographie.  

Dévoré par la quête du primitifA Tahiti, il découvre aussi une société largement christianisée, à des années-lumière de sa culture ancestrale. "Avoir fait tant de chemin pour trouver cela même que je fuyais!" écrit-il dans Noa Noa ("odorant", en tahitien), un récit de ses impressions polynésiennes, truffé de collages, d'aquarelles, de gravures colorisées. Pour "retrouver le foyer éteint", il part sur les traces des mythologies locales. Et qu'importe si elles ont disparu, son imagination fertile les réinvente, ressuscitant un paradis terrestre aussi désiré qu'insaisissable. 

La céramique Oviri (1894) est la première qu'il dédie à cette divinité maorie.
La céramique Oviri (1894) est la première qu'il dédie à cette divinité maorie.
RMN-GRAND PALAIS (MUSÉE D'ORSAY)/H. LEWANDOWSKI

Dans le four de Chaplet, entre ses deux séjours océaniens, il accouche d'une stupéfiante divinité, Oviri. Le thème de la mort le hante. D'où venons-nous? Que sommes-nous? Où allons-nous?, s'interroge-t-il, en 1897, sur la toile testament qu'il élabore "dans une fièvre inouïe", des idées suicidaires plein la tête.  
"Soyez mystérieuses", "soyez amoureuses et vous serez heureuses" clament les panneaux sculptés dont il a orné sa grande case sur pilotis de Hiva Oa, aux Marquises, baptisée, non sans provocation, "Maison du jouir". Délaissé par les vahinés, rongé par l'eczéma, l'absinthe et ses démêlés avec l'administration coloniale, le génie tourmenté s'éteint en 1903 dans cette demeure-atelier où il avait aboli la frontière entre oeuvre et décor -l'ultime écrin de sa dévorante quête du primitif. 
L'art moderne n'avait plus qu'à s'emparer de l'héritage polymorphe de cet "enfant qui démonte ses joujoux pour en refaire d'autres". La formule est d'un autre alchimiste, son alter ego August Strindberg. 

L'art de la synthèseEn 1888, deux ans après son premier séjour en Bretagne, Gauguin retourne à Pont-Aven, village du Finistère où il est le chef de file d'un groupe de peintres expérimentaux, les "synthétistes" . Pendant cette période charnière, l'art s'affirme chez lui comme une synthèse entre la perception du réel et ses propres émotions. Bel avatar d'une série d'études et d’œuvres consacrées à la gavotte, La Ronde des petites Bretonnes se démarque des impressionnistes en prenant de la distance avec le modèle pour privilégier la composition et le rythme.  

A l'automne suivant, il approfondit cette recherche esthétique chez Vincent Van Gogh, à Arles, au cours d'un séjour explosif, qui se termine par le fameux épisode de l'oreille coupée. "L'art est une abstraction, tirez-la de la nature en rêvant devant, et pensez plus à la création qu'au résultat", conseille-t-il en un credo qui fera le miel de ses successeurs du XXe siècle. 

Oviri, la tueuseA l'hiver 1894, Gauguin donne vie à Oviri ("Sauvage"), une grande céramique en forme de vase. Il y figure une femme à tête hallucinée terrassant un loup gisant à ses pieds dans une flaque de sang, tandis qu'elle étreint le louveteau contre son flanc. La "tueuse", ainsi qu'il la nommait, incarne à la fois la mort de son moi civilisé et le triomphe du primitif poussé à l'extrême. Elle reste la création la plus accomplie de celui qui voulait "remplacer le tourneur par des mains intelligentes".  

"J'ai été le premier à lancer la céramique sculpture", dira l'artiste qui, bien que maudit, recourait volontiers à l'autopromotion. S'il ne cesse par la suite d'introduire cette divinité maorie dans des dessins, des gravures ou des peintures, son Oviri d'argile reste la plus chère à ses yeux, jusqu'à souhaiter qu'elle veille sur son dernier sommeil. C'est finalement une version en bronze de l'oeuvre qui ornera sa tombe aux Marquises. 
Gilles LOUIS sur la base d'un article de Letizia Dannery

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